Séminaire du CREM
Du son au bruit : perceptions sonores ordinaires dans une ville en Inde, Christine Guillebaud (CNRS, CREM-LESC)
Lundi 20 Mai 2019 14:00 – 16:00
Confrontés au sujet de la qualité des environnements sonores, les Etats du monde entier ont tendance à considérer le son principalement dans sa dimension négative de « bruit » et de ses termes associés que sont la gêne et la nuisance. Cette approche s’est traduite par des directives et des préconisations qui émanent des autorités internationales comme l’OMS et l’Union européenne. L’Inde, généralement classée parmi les pays les plus « pollués » au monde, ne fait pas exception en la matière. Sa législation sur le « bruit » date de 2000 mais ces textes demeurent aujourd’hui encore non implémentés. Comment expliquer un tel décalage ? L’approche anthropologique démontre que deux conceptions du son coexistent, l’une culturelle et l’autre normative, et demeurent inconciliables. Après avoir largement documenté la première (cf. programme MILSON. Anthropologie des MILieux SONores http://milson.fr), mes recherches récentes visent à ethnographier la seconde, en m’intéressant notamment aux modalités de perception du bruit.
Je présenterai une étude en cours (démarrée en 2018 avec le soutien du Crem), sur la perception sonore des usagers d’un parc de la capitale du Kerala. Dans la ville indienne, le trafic routier est extrêmement dense, les bruits de klaxons assourdissants, les trottoirs et les zones piétonnières quasi-inexistants. Comment les habitants sont-ils en mesure de s’accommoder ou de contourner le bruit ambiant ? Ce parc est l’une des rares zones de la ville où les personnes disent circuler en « paix » (santanam). Sur la base de parcours commentés, complétés de mesures géolocalisées (cf. application mobile NoiseCapture du Cnrs-Ifsttar-Cerema http://noise-planet.org/noisecapture.html, j’analyserai : 1) comment le passage bruit/paisible diverge selon les individus et les zones du parc parcourues ; 2) l’importance de la dynamique multisensorielle et d’imprégnation progressive aux tonalités du lieu ; 3) l’invitation par les usagers à relier le caractère paisible à des dimensions extra-sonores.